Seul au monde

  • Typologie : cabane

    Localisation : dans les recoins de l'esprit

    Maitre d'ouvrage : Maison de l'architecture Genève

    Dossier: MAR

    Phase: concours en collaboration avec Arno Bovar, et Jérome Baccoglio

    Date: 2023


    « Une cabane en feuillage, avez-vous vu quelque chose de plus approprié à sa fonction, et de plus parfait du point de vue du traitement des matériaux ? » Mies van der Rohe


    A travers le retour à l’enfance et à la découverte, nous proposons une relecture de la création de la cabane comme un retour à l’Âge d’or. Considérons l’enfance comme un paradis terrestre tangible, le retour au temps bénis de l’innocence, où les mondes se créent comme on soulève un voile, s’évanouissent comme l’on souffle dessus. Le locci est la nef qui permet le voyage immobile. Il est le prétexte au vagabondage de l’imaginaire. Ainsi en composant ce dernier , en cherchant à ériger un abris qui rassure, l’enfant se constitue à la fois un apprentissage de la technique et un microcosme, un moyen de se cacher autant que de s’évader, de se constituer la base de la rêverie, hors d’atteinte des regards adultes.


    Ne nous méprenons pas, en travaillant sur des matériaux bruts, il est question ici d’ échapper aux affres du mythe du bon sauvage pour se focaliser sur l’esprit intemporel et universel des phénomènes de batir, penser et habiter un lieu. Nous marchons dans les pas de nombreux penseursww avant nous , mais nous sommes arrètés avec l’envie de concrétiser les notions de Gotfried Semper. Ce dernier propose de renouer avec les promenades, les cueillettes, et d’élaborer un tissage comme archétype de la cabane à partir de moyen élémentaires. Il fait écho également aux situtations de crises, à un habitat minimaliste pour subsister.


    Dès lors, nous nous sommes mis à réfléchir à la manière dont un enfant construirait sa cabane dans une ère plus lointaine que la notre, après le déclin de notre civilisation. Quels seraient les matériaux à sa disposition? Comment trouverait t-il plaisir et imagination pour se construire son monde? Si on imagine qu’il prenne ce qu’il y a autour de lui, il trouverait divers vestiges de notre temps, ainsi que la nature qui aurait repris ses droits. Voyant des bambous, herbe envahissante, s’étant répandue un peu partout, il pourrait les prendre et les assembler pour se créer une structure. Ensuite il pourrait prendre des chutes de tissus, une des plus importantes production industrielles de l’ancien monde, il viendrait les arranger dessus dessous la structure de bambous, se tissant une enveloppe colorée, variée et asymétrique.


    Il se construirait alors sa cabane pour vivre une hétérotopie et rejoindre, hors du temps, les autres enfants de touts âges. De là, il est alors possible de remonter aux enfants primordiaux, ces enfants de l’humanité qui construisirent peut-être la première cabane?


    « Des branchages , assemblez et nouez-les , voici une hutte , dénouez-les vous aurez , une plaine comme devant » Poème japonais rapporté par Jun’ichiro Tanizaki, dans Eloge de l’ombre


    L’ ossature En se servant de certains éléments de notre environement, en les arangeant, on compose peu a peu son espace personnel. Ce projet est une invitation à rechercher à sélectionner une ressource préexistante qui ne nécessite que peu de transformation outre son prélèvement et son assemblage. La nature pourvoit aux besoins. Le Bambou possède sa propre règle de développement, il pousse avec régularité et de manière fractale. Alors s’inspirant de la hiérarchie des branches, débute le jeux d’agencement. Le matériau permet de jouer avec une grande flexibilité tout en conservant une bonne résistance. Il faut alors arquer une extrémité pour lier les poteaux en les joignant les uns aux autres. Ainsi se crée la clef de voute composée autour d’un occulus de structure réciproque. L’assemblage s’apparente alors a un vannage, un jeu à la fois rudimentaire, technique et sophistiqué. Alors se préfigure l’architecture, avec sa logique et ses règles constructives, en remplacement les feuilles d’acanthe par le bambou. Le mythe de l’architecture, ne nait plus de la vision classique de la colonne et du fronton, mais de la voute tissée. Par la réalisation de cette structure l’enfant fait de la nature son Panthéon. Cette conception originale et sensible perpétue un language universel.


    «Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr. Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes.» Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont Sous des tentes de poil dans le désert profond : « Etends de ce côté la toile de la tente.» Et l’on développa la muraille flottante ; Et, quand on l’eut fixée avec des poids de plomb «Vous ne voyez plus rien ?» dit Tsilla, l’enfant blond, La fille de ses Fils, douce comme l’aurore ; Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore !» la Conscience, la Légende des siècles, Victor Hugo


    La Toile Depuis l’invention de l’aiguille et du tissage, la toile sert à se vêtir, à se protéger, constitue la première couche entre notre corps, l’intime, et le mode extérieur. La toile est encore l’objet architecturale des nomades, des peuples du désert ou des steppes, car aisément transportable. La tente est l’habitat de l’explorateur, l’abris du SDF. Elle est enfin la cabane de l’enfant, l’assemblage pèle mèle des draps et couvertures. Comme une forme d’extrapolation du cocon animal qui lui permet de croitre et de se transformer. Elle forme un microcosme issu de l’expérimentation, un moyen de se cacher autant que de s’évader, de se constituer l’écrin de la rêverie loin du monde. C’est elle qui a portée les marins sur les eaux du globe, qui a permis aux inventeurs de l’aéronautique de s’élever a travers, des montgolfières, des avions jusqu’aux parachutes, sans oublier les tapis volants des milles et une nuit. En tant que support elle a recueillie des artistes l’expression de leurs peintures, de leurs visions, jusqu’à devenir un fondement de l’expression de la pensée et du concept. Les toiles cirées des grand mères, sous lesquelles on s’abrite pour se retrouver, fleurent bon les souvenirs d’enfant. Enfin elle subsistera à la suite des collapses, retrouvant un usage néo primitif.


    "Mon dessin ne représentait pas un chapeau, il représentait un serpent boa qui digérait un éléphant, j'ai alors dessiné l'intérieur du serpent boa, afin que les grandes personnes puissent comprendre. Elles ont toujours besoin d'explication." Le Petit prince, Antoine de Saint Exupéry


    «l’essentiel est invisible aux yeux» Au dela du perceptible s’étend le sensible. Là, allongé sur le sol de la cabane d’entrelacs de bambous et de tressage de toile, l’enfant observe entre obscurité et lumière, les jeux d’ ombres chinoises, à demie visible, et déjà évanoui. Dans ce lieux crèe ex nihilo, de bric et de broc, se condensent et se matérialisent les imaginaires enfantin, les rêves et les rires. La cabane de l’enfant constitue ici la plus belle des hétérotopies. Elle est le véhicule vers un ailleurs intérieur, et se tranforme en attrape rêve. Dans un imaginaire, pas si éloigné, où le bamboo (une herbe vivace ) prend de plus en plus de place grace à la mondialisation et au réchauffement climatique, ou le modèle économique plus soutenable c’est effondré, où la production de textile avait jusqu’alors été florissante, cette cabane pourrais être le refuge d’enfant pour s’en aller vers d’autres imaginaires... Même lorsque le déclin du monde sera effectif, il subsistera l’éternel imaginaire de l’àge d’or tant conté et tant désiré, l’age de l’innocence.